Démasqués

    Elle se lève, elle mange, elle se brosse les dents, elle s’habille, elle se maquille, elle fait sa journée, elle va dormir et elle recommence avec lassitude sa routine, comme un circuit sans fin. Maya se maquille toujours dans un ordre précis. D’abord, elle applique la base et le fond de teint, ensuite, elle dessine ses sourcils et elle pose ses faux cils, après, elle étale à l’aide d’un pinceau son fard à paupière, et pour finir, elle met son rouge à lèvres. Elle trouve souvent l’inspiration dans les tutoriels des youtubeuses.

    Pour que son maquillage soit parfaitement réussi, Maya a besoin d’une grande concentration. C’est pour cela que quand elle se maquille, elle s’enferme dans sa chambre pour éviter que quiconque ne perturbe son œuvre d’art. Elle choisit toujours le moment où je suis occupée, quand je fais le ménage par exemple ou bien quand son père et moi ne sommes pas présents à la maison.

    Maya passe ses journées avec ses amis à traîner dehors. Un jour, ils vont au cinéma, parfois, ils peuvent passer leur journée entière à faire du shopping ou bien ils vont manger dans une de ces chaines de restaurants rapides, autrement dit un Fast-Food. Mais ce jour-là, c’était un samedi et Maya avait décidé de rester à la maison. Elle avait invité sa copine Alia pour préparer un spectacle pour la fête de l’école. Mais bien évidemment, au  lieu  de répéter pour le spectacle, elles n’ont pas arrêté de rire et de prendre des photos.

    Même quand on est à table pour manger, Maya doit toujours prendre son téléphone et filmer nos assiettes pour envoyer la vidéo à ses amis. Et puis, il y a les réseaux sociaux aussi, les conférences vidéos pour raconter sa vie, les postes de ses célébrités préférées et j’en passe… C’est toujours la même chose ! A part ça Maya est une fille très joyeuse et si douce, elle aime beaucoup s’amuser et elle est toujours à l’écoute des autres.

   Il était 13h30 et elles avaient eu l’idée de jouer à Mario Kart sur la console avant de se mettre sérieusement au boulot pour la chorégraphie du spectacle. C’était des circuits difficiles et Maya avait perdu contre Alia. Elles enchaînaient les parties jusqu’à être lassées.

    À 15h, comme il faisait chaud, les filles se sont précipitées dans le jardin pour répéter leur danse. Quand elles eurent fini, elles allèrent jouer avec le chien. Pendant ce temps-là, je suis partie dans la cuisine chercher une bouteille de jus d’orange bien fraîche et des verres et je suis revenue pour leur servir.

    Elles se sont assises et elles ont vidé leurs verres en même pas trente secondes. Je me suis jointe à elles et elles en ont profité pour me montrer la chorégraphie. Elles n’avaient pas encore terminé mais pour un début, c’était pas mal.

    Après, on s’est allongées sur nos chaises pour bronzer dans le calme. On habite dans un village qui semble n’avoir pas bougé depuis des siècles avec ses ruelles pavées et ses belles demeures anciennes en briques.

    Maya et Alia voulaient aller faire un tour. Moi qui pensais qu’elles ne sortiraient pas ! Au début, je n’étais pas d’accord car il commençait à se faire tard mais après qu’elles m’aient suppliée, j‘ai fini par accepter à une condition. Elles ne devaient pas trop s’éloigner et revenir à 18h maximum. Elles allaient dans un parc, pas loin de la maison.

    Elles m’ont remerciée et elles se sont directement dirigées ver la porte pour enfiler leurs chaussures et elles sont sorties. Pendant ce temps, pour m’occuper, j’ai continué mon livre. Quand mon mari est rentré, nous avons visionné le journal télévisé ensemble et comme tous les samedis nous avons regardé quelques épisodes d’une série comique qu’on adore.

    Il était 17h et j’ai commencé à préparer le repas du soir. Mon mari dressait la table en attendant. Une fois que j’avais fini de cuisiner le dîner, j’ai jeté un coup d’œil à l’horloge, il était 18h et Maya et Alia n’étaient toujours pas rentrées. Je me suis dit que j‘allais attendre encore dix minutes.

    Dix minutes plus tard, elles n’étaient toujours pas rentrées et elles n’avaient donné aucun signe. J’avais un pré-sentiment, je commençais à paniquer. Je faisais pourtant confiance à Maya et Alia. Ce n’étaient pas la première fois qu’elles sortaient et en plus c’était des grandes filles de seize ans.

    J’ai prévenu mon mari que je partais rejoindre les filles au parc. J’ai pris mon vélo et je suis partie. J’ai fait le même trajet que je fais d’habitude pour arriver sur les lieux. J’ai pédalé vite pendant cinq minutes quand soudain j‘ai entendu une musique.

    C’était une musique familière. Je m’en souvenais car Maya l’écoutait souvent. En me rapprochant, j’ai retrouvé le baffle de Maya. Pas de doute, c’était bien celui de ma fille. J’ai continué ma route jusqu’au parc mais elles n’étaient pas là. Une minute après, j‘ai entendu des cris qui semblaient venir d’une petite rue à la droite du parc.

    J‘étais tellement stressée que j‘en tremblais. De loin, j’avais aperçu ma fille, Alia et un autre homme qui avait une bouteille à la main. Ils se trouvaient dans une rue sombre et chaotique. Il y avait  des poubelles renversées tout le long du trottoir et une odeur malsaine qui se rependait. Je me suis cachée pour observer directement. Je pouvais enfin voir qui était cet homme.

    Je l’avais reconnu, c’était le petit copain de Maya. Il s’appelle Mathys. Maya nous l’avait présenté à son père et moi. C’était un homme sympa et plutôt timide. Il avait quatre ans de plus qu’elle mais cela ne nous dérangeait pas. Ils étaient en train de se disputer. Ils se criaient l’un sur l’autre et Alia essayait de les calmer. Je pouvais entendre tout ce qu’ils disaient. Maya faisait des reproches à Mathys sur sa façon de se comporter. Elle lui disait qu’elle comptait mettre fin à leur relation, qu’elle était dépassée et qu’elle avait trop laissé passer. Mathys n’acceptait pas sa décision et essayait de se faire pardonner par tous les moyens. D’un coup il s’est mis en colère, il a poussé Alia et a giflé Maya.

    Je n’en revenais pas ! Jamais je n’aurais pensé qu’il pourrait lever la main sur ma fille ! Cela n’a pas empêché Maya de lui en remettre une. Mathys était encore plus frustré et il l’a tirée par les cheveux. Il a commencé à tabasser Maya. Elle était à terre, il lui donnait des coups de pieds et il ne s’arrêtait plus. Je voyais dans les yeux de Maya la tristesse et la haine.

    Alia essayait de protéger Maya mais il était trop fort pour elle. Mathys est musclé, il fait de la boxe et il a beaucoup de force. À elle toute seule, elle ne pouvait rien faire. Il fallait que j’intervienne rapidement mais, avant, je devais appeler la police et prévenir mon mari de la situation.

    J’avais perdu trop de temps à observer les faits parce que j’étais très choquée. J’ai couru  jusqu’à ma fille qui se débattait. À peine je suis arrivée, Mathys n’a pas hésité à me mettre un coup en plein dans ma mâchoire. Je saignais, mais pas plus que ma fille. Pendant vingt secondes, il m’a fixée. Il ne s’attendait pas à me voir. Il n’a même pas eu le courage de s’excuser. Mais quelle honte !

Les vingt-secondes ont quand même permis de distraire Mathys. Alia en a profité pour le tenir par le cou. Elle y a mis toute sa force. C’était dangereux parce qu’elle pouvait le tuer mais elle n’avait pas le choix. J’ai vu mon mari courir de loin pour venir en aide à Alia. Mathys essayait de s’échapper, mais à deux sur lui, il n’avait aucune chance.

   Je me suis relevée et la police est arrivée. Ma fille ne tenait plus debout. Elle saignait de partout, elle avait une grosse bosse sur la tête et elle avait des hématomes sur tout le corps. Maya m’avoua que ce n’était pas la première fois qu’elle se faisait battre par Mathys. Elle me confia que c’était un alcoolique et un drogué. Comme quoi, il ne faut pas se fier aux apparences !

    J’étais vraiment étonnée autant par la découverte que ma fille était une femme battue que par les aveux  qu’elle venait de me faire. Alia et mon mari parlaient à la police. Mathys avait perdu connaissance. Une ambulance est arrivée et nous avons tous embarqué.

    Après cette tragique histoire, j’espère que Mathys va payer. En attendant le procès, j’ai eu l’idée de créer une association pour les femmes battues, pour qu’elles osent en parler. Je culpabilise et je suis dévastée de n’avoir rien remarqué. J’ai découvert que ma fille était une adolescente détruite de l’intérieur comme de l’extérieur, qu’elle n’était pas heureuse dans sa vie sentimentale et qu’elle masquait ses blessures avec du maquillage pour éviter de nous inquiéter.

Victoria Tumba

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