Dans les établissements en Belgique, l’une des premières choses que l’on apprend aux élèves, c’est d’être tolérant envers les autres tout en gardant une certaine neutralité. La tolérance et la neutralité, sont des termes difficiles à comprendre.

La tolérance, c’est la capacité à respecter ce que l’on n’accepterait pas spontanément alors que la neutralité, c’est une attitude qui consiste à ne pas prendre position dans les domaines de la politique ou de la religion. D’après moi, les deux peuvent parfois se contredire dans les établissements belges qui appliquent ce principe.

C’est un fait beaucoup d’écoles belges interdisent le couvre-chef, plus communément appelé, voile. Cette interdiction touche plus d’une élève. Et en tant qu’élève portant le voile, je n’ai jamais vraiment compris pourquoi le voile était interdit à l’école ni d’où venait cette interdiction, ni pourquoi l’interdire, pour pouvoir mieux comprendre j’ai décidé de faire des recherches.

Après quelques recherches, il s’est avéré qu’il n’existe pas de législation fédérale réglementant le port du voile dans les écoles en Belgique. Les écoles sont libres d’adopter leur propre règlement d’ordre intérieur (ROI) par lequel elles peuvent autoriser ou interdire le port du voile dans leur enceinte.

En continuant mes recherches, je suis tombée sur un décret qui a particulièrement capté mon attention, c’est le « Décret neutralité » qui garantit expressément aux élèves, la liberté de conscience et la liberté de manifester sa religion ou ses convictions. Il reconnaît cette liberté à la seule condition que soient sauvegardés, je cite : “les droits de l’homme, la réputation d’autrui, la sécurité nationale, l’ordre public, la santé et la moralité publiques” et que soit respecté le règlement intérieur de l’établissement, ce droit est donc annulé si l’établissement le veut.

L’interdiction ou non du port du voile dans l’école est donc déterminée par le règlement d’ordre intérieur qui peut être modifié rapidement, contrairement au décret, dont le processus de révision est plus lent, ce qui laisse le choix aux établissements d’interdire ou pas le voile. Avec toutes ces recherches, j’en viens au point que beaucoup de filles voilées pourraient porter le voile dans un établissement scolaire si la direction de celui-ci l’autorisait.

Interdire le voile pousse les élèves qui souhaitent le porter à se rassembler dans les rares écoles qui l’acceptent encore. Pour beaucoup d’entre elles, cette interdiction donne l’impression de ne pas être sur un pied d’égalité avec les autres élèves. C’est aussi ce que je ressens personnellement. On marque notre différence. Il arrive en effet que des jeunes filles quittent l’établissement scolaire dans lequel elles poursuivaient leurs études pour aller dans des écoles n’interdisant pas le port du foulard.

L’éducation est un des moyens donnés à l’individu pour construire son autonomie. L’école, en tant qu’institution, a pour mission d’aider l’enfant à construire cette autonomie. C’est à l’école que l’élève pourra entendre que l’homme et la femme sont des êtres égaux. C’est à l’école qu’il apprendra à connaître les droits de l’homme. Et c’est aussi à l’école qu’il apprendra la tolérance, et en interdisant le port du voile, c’est comme si l’établissement n’appliquait pas ce principe de tolérance car c’est comme montrer aux élevés que l’établissement n’accepte pas la différence qu’ont ces jeunes filles voilées.

La neutralité a notamment pour mission de favoriser la diversité culturelle. Une meilleure connaissance des autres modes de vie et de pensée que les nôtres permettrait, sans aucun doute, de démonter bon nombre de préjugés et d’éviter de tomber dans la xénophobie et le racisme qui sont, le plus souvent, les reflets de nos peurs de l’autre.

Comme moi, la plupart des jeunes filles qui portent le voile l’ont choisi et se sentent mal parce que l’endroit où elles passent la plupart de leur temps l’interdit. En ce qui me concerne, le fait de retirer chaque matin mon voile devant l’école avant de rentrer me fait beaucoup de mal et me donne le sentiment d’être à l’écart des autres. Je ne comprends d’ailleurs toujours pas pourquoi je dois l’enlever, est-ce qu’il m’empêche d’apprendre comme les autres élèves ? Est-ce qu’il m’empêche de discuter avec les autres élèves ? Ou de rigoler avec eux ?

Je ne pense pas. Mon avis là-dessus changera peut-être un jour, ou peut-être pas. Et même si “l’école n’est pas une démocratie”, comme me l’a dit un jour un de mes professeurs, je continuerai tout de même à défendre mes opinions, mes convictions et mon avis sur le sujet, comme on me l’a toujours enseigné à l’école.

Khargou Manal                                                                                          9 Mai 2016

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